L’appropriation culturelle dans la musique

©Zoé Borbé
Un autre problème dont on se doit de vous parler !
En 2020 il me paraît évident que la plupart d’entre vous connaissez ce sujet. Plus d’une fois des scandales ont éclaté sur ce sujet. Lorsque Gwen Stefani portait des cornrows ou était accompagnée des Harajuku Girl, quand J.Lo utilisait le N-word. Ou lorsque Ariana Grande a sorti un album urbain et que son teint est devenu plus foncé que celui de Rihanna.
Les exemples d’appropriation culturelle dans la musique sont nombreux et continuent d’augmenter en 2020. Cependant, comme tous les problèmes qui sont en lien avec la couleur, ce sujet est très sensible. Nous souhaitons mettre la lumière sur ce sujet en vous expliquant ses origines, sa popularisation, mais surtout le but derrière cette pratique.
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Les origines
Que considère-t’on comme “appropriation culturelle” ? Ceci est un débat qui peut irriter certains … Nous partirons de l’idée retenue qu’il s’agit de toute action qui a pour but de tirer profit de l’art et de la culture d’une autre ethnie, qui est habituellement une minorité. Il est cependant important de marquer la différence entre l’appropriation et l’appréciation.
Là où un artiste faisant de l’appréciation va créditer ou payer hommage à la culture dont il va s’inspirer, un artiste faisant de l’appropriation va chercher à exploiter un élément et de s’annoncer créateur ou à l’origine de cet élément.
« les artistes noirs n’ont pas eu l’opportunité de devenir des stars grand public de la country, même si le genre a été sensiblement influencé et transformé par la musique noire ».
Une des premières formes d’appropriation culturelle commence aux États-Unis dans les années 1920. On parle d’une période où la country et le jazz commencent à faire leur apparition dans le paysage musicale. Ces deux styles musicaux sont essentiellement “créés” par la communauté noire américaine. Le jazz est associé au mot “Jasm” qui signifiait “énergie”. Il exprime un sentiment de joie et de festivité qui a pour but d’oublier la douleur des noirs à une époque où le KKK rassemble presque 5 millions d’hommes selon Kathleen M. Blee.
La country quant à elle, née grâce au folk et au blues en Amérique du Sud, notamment sur la scène d’Atlanta.
Ces deux styles restent encore à ce jour deux genres musicaux représentant l’identité du pays. C’est pourquoi il est étonnant de voir à quel point le pays est ignorant des origines de ces genres musicaux. Cependant, cela peut être compréhensible, on t’invite juste à regarder la section country ou jazz sur iTunes et Spotify. Eh oui, les artistes noirs se trouveront dans les bas fonds. La raison est simple, lorsque la musique prend en ampleur dans les années 30, les radios refusent catégoriquement de jouer des artistes noirs. Elvis Presley sera d’ailleurs un des artistes dont la popularité sera créée sur le dos de chansons d’artistes noirs.
Comment ces actes ont impacté l’industrie d’aujourd’hui ?
En 2019, l’artiste Lil Nas X a eu du mal à se faire une place sur les radios country. La raison officielle ? Sa chanson n’était pas assez country. Lorsque le chanteur Billy Ray Cyrus a ajouté 8 lignes dans la chanson pour le remix, la chanson a immédiatement été autorisée dans les playlists country. Et oui il fallu la participation d’un chanteur blanc pour “légitimiser” sa place en country.
L’ironie ? La country a été créé par des noirs.
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Des identités musicales perdues
Après des années d’appropriation culturelle, ces deux styles musicaux ont complètement perdu l’identité et le visage qu’ils avaient. Cela rappellerait presque la colonisation …
Pourquoi ce sujet revient si souvent dans les débats, alors qu’il ne faisait pas autant de bruit il y a quelques années ? Personne ne bronchait lorsque Elvis Presley ou Johnny Halliday “s’inspirait” de Little Richard, qui est considéré comme “L’Architecte du Rock” ? Ou même lorsque Claude François reprenait les codes de la soul music sans jamais créditer les artistes noires ?
“Nous ne sommes pas nos ancêtres”.
Les choses qui étaient acceptées auparavant le sont beaucoup moins désormais. Nous pouvons aisément constater qu’il y a de fortes inégalités dans l’industrie, à cause du racisme ainsi que du colorisme. L’appropriation culturelle est une des multiples formes du racisme et certains chanteurs n’ont même pas idée d’en faire partie.
Les exemples sont plus nombreux que des pommes sur un pommier en octobre. Le cas le plus flagrant est celui de Ashanti/Jennifer Lopez. Une histoire qui lui reste encore en travers de la gorge. Alors que Ashanti préparait calmement son album, elle sera amenée à découvrir que ses chansons ont été données à Jennifer Lopez à son insu. Le pire ? Ils ont gardé sa voix sur le morceaux afin de cacher les faibles vocalises (oui oui) de Mrs. Lopez.
On pourrait croire que ceci n’est qu’une histoire de business, cependant vers 2001-2004 la pop a des sonorités très urbaines. Les labels essayent de mettre en avant les artistes blanches avec un son plus R&B, mais celles-ci n’ont pas toujours une crédibilité avec le public urbain. C’est là où vient l’idée de prendre des artistes issues de l’immigration, mais dont la couleur et les traits n’empêchent pas le grand public de s’identifier à elles.
Jennifer Lopez, Lumidee, Nina Skye, toutes sont des chanteuses latinas, venant du “ghetto” mais qui ont l’avantage du “colorisme”.
On voit une recette, on garde les mêmes ingrédients mais on les présente sous une forme qui plaira plus au public mainstream. Résultat ? Le plat d’origine est mis de côté, et un jour on oublie même à quoi il ressemblait.
C’est par cette même réflexion que Eminem a été signé, que T.I a signé Iggy Azeala, ou que Fergie a été gardé par les Black Eyed Peas au lieu de Kim Hill. Macklemore en parlera lui même sur le titre intitulé White Privilege II, après avoir admis qu’il a exploité la culture noire à son avantage.
Un des récents exemple qui a fait couler beaucoup d’encre est le cas de Miley Cyrus. En 2010-2013 cette dernière a connu ses premiers flops de sa carrière. Son grand comeback sera en 2013 lorsqu’elle sortira l’album pop-urban Bangerz. Cet album sera un tournant dans sa carrière, et fera d’elle la première artiste de sa génération Disney a être nominé pour un Grammy Award. Le succès de cette ère reposera surtout sur son image sulfureuse et la musique a sonorité urbaines. L’album aura des duos avec Nelly ou Big Sean, de l’inattendu pour Miss Hannah Montana. Mais c’est avant tout le « Twerk » qui ramène Miley Cyrus dans les médias en 2013. Le twerk n’est autre que le bootyshake, une pratique existant depuis des lustres aux Antilles, en Afrique, en orient et même chez les noirs américains.
Il a donc fallu qu’une artiste blanche le fasse, pour que l’Amérique (blanche) se l’approprie et le renomme. L’hypocrisie derrière ce changement de personnalité, c’est que 4 ans après Miley Cyrus crachera sur cette ère qui lui a donné une notoriété internationale et reviendra à des sonorités pop-country pour avoir une image plus “assagie”. Tout ça pour revenir au twerk lorsque l’album sera un échec commercial … The caucasity of it all !
On pourrait croire que ce phénomène s’arrête aux USA, pourtant pleins d’exemples existent à l’international.
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Un phénomène qui s’observent à l’international
Ces cas peuvent également être observés en France. Encore une fois, nous vous invitons à ouvrir la playlist R&B FR sur vos plateformes streaming. Le constat est assez perturbant, même en 2020. On va être honnête, Aya Nakamura est la première chanteuse R&B noire depuis … Lynnsha ?
C’est pourtant un sujet qui est souvent revenu durant des interviews avec des insiders de l’industrie. Les maisons de disque misent plus sur les chanteuses d’origine maghrébine que les femmes noires. Faisons la liste : Melissa M, Wallen, Amel Bent, Imen Es, Eva Queen, Lyna Mahyem etc…
“Les chanteuses R&B françaises ne sont presque jamais noires”
Again, why ? Encore une fois, il s’agit de s’identifier un minimum avec la personne. Eh oui, La couleur est une barrière à ce point ! Le dernier exemple en date est celui de Wejdene qui cartonne actuellement en France. Loin de nous l’envie de cracher sur elle, cependant une chose retient notre attention à l’écoute de son projet. Les sonorités de ses musiques ressemblent énormément aux mélodies présentes sur l’album NAKAMURA, très influencé par l’afropop. D’ailleurs, son équipe de production ressemble exactement à celle de Aya, ou Naza, ou Dadju, bref vous l’aurez compris. Wejdene est une artiste surfant sur la vague afro, et le résultat est impressionnant. Inconnu du grand public en Avril 2020, son album vient de s’écouler à 17,000 copies en première semaine. C’est 3 fois plus que Aya Nakamura avec son premier album.
Il est aussi intéressant de voir que que dans des marchés “fermés” comme celui de l’Asie de l’est, où la culture américaine est idolâtrée, le même phénomène peut être constaté dans la K-Pop. Le marché dans cette zone géographique s’est considérablement développé dans les 10 dernières années, notamment avec le mouvement K-pop. Le mouvement consiste à entraîner plusieurs groupes d’artistes, dès le plus jeune âge, avant de se lancer commercialement une fois qu’ils sont prêt à prendre la scène.
Il a plusieurs fois été soulevé le fait que la culture afro-américaine se faisait beaucoup ressentir dans la mode, et le comportement des chanteurs. Cependant ce qui pose problème, est le fait qu’il s’agit principalement de préjugés. On pourrait même croire que la culture noire s’arrête aux gangs …
On pourrait croire qu’il s’agit d’appréciation…
… Pourtant le système (en plus de jouer sur des caricatures) monétise et fait profit sur ces thèmes copiés/collés. En 2020 le groupe BTS a reconnu être fortement inspiré de la culture noire lorsqu’ils ont apporté leur soutien pour #BLM, un acte qui se fait assez rare.
Toutefois, de nos jours la notion de hiérarchie peut se s’étendre parmi les ethnies. Les noirs américains sont socialement parlant, plus avantagés que les noirs d’Afrique. Et c’est à ce moment qu’il est possible de qualifier certains de leurs actes comme de l’appropriation culturelle.
C’est pourquoi nous avons décidé d’également abordé le sujet de l’appropriation culturelle des noirs américains. De la culture noire anglaise à la culture africaine, ils ne laissent rien sur le passage et surtout oublient de créditer les origines.
Que penses tu de l’appropriation culturelle ? Vois-tu là un problème superficiel ?
See you back on ANTHEM
Malheureusement, vous mélangez beaucoup de choses.
Notamment l’intention de l’artiste et la perception du public. Pour le twerk par exemple, Miley Cyrus n’a jamais prétendu l’avoir inventé, en revanche, le public a découvert cette danse par ce biais sans en connaitre l’origine. C’est un peu comme si vous reprochiez à quelqu’un d’avoir fait une reprise d’une chanson et que la chanson reprise ait plus de succès que l’originale.
Prenez la chanson I Will Always Love You de Dolly Parton. La chanson a eu beaucoup plus de succès chantée par Whitney Houston, de ce fait, la plupart des gens pensent que la chanson a été écrite pour elle. Vous iriez donc blâmer Whitney pour le manque de culture musicale de son public ? Alors que du côté des droits d’auteur tout est en ordre ?
Ensuite sur la représentativité des minorités dans la musique, n’oubliez pas que ce sont précisément des minorités. Et que si de base il y a disons 1 personne sur 100 000 qui arrive à devenir connue, cela a d’autant plus d’impact sur des populations qui composent 10-15% de la population globale.
Votre exemple sur le Jazz est loin d’être vrai, c’est d’ailleurs un des rares style de musique où une grande majorité des artistes les plus connus sont noirs dans un pays à majorité blanche…(Davis, Amstrong, Coltrane, Ellington, Monk…)
Pour Lil Nas X, il est avant tout rappeur, style de chant qui n’existe absolument pas dans la musique country. C’est un peu comme si je me plaignais de ne pas arriver à être accepté sur France Musique en chantant un opéra façon heavy métal…Donc oui, il aura fallu attendre qu’un autre type vienne apporter un refrain aux sonorités country pour que la chanson rentre dans la case country…Logique. L’étroitesse de la catégorisation musicale est bien plus à blâmer qu’une question de racisme…
Bonjour je suis en train de faire un devoir à ce sujet . Je suis tombé sur ce site est c’est vraiment très très intéressant . Ces informations m’ont beaucoup aidés et encore merci