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Et oui, en 2020 certains nient encore l’impact du colorisme dans la musique … L’industrie du disque a tout un ensemble de problèmes depuis des dizaines d’années. Toutefois certains problèmes continuent d’exister car ils ne sont pas assez discutés ou reconnus. Ceci est le cas du colorisme, un fléau qui continue à sévir. Un sujet qui reste assez tabou, il est encore plus difficile de le prouver que le racisme ordinaire.

Un héritage de l’époque colonial …

Il existe plusieurs branches dans ce grand spectre qu’est le racisme. Par exemple, dans les peuples racisés existe des couches différentes parmi le racisme populaire. D’abord définissons ce phénomène, le colorisme est une discrimination favorisant les peaux plus claires et les traits plus fins (donc européens). Cette « tendance » ne date pas d’hier, mais de la période coloniale. Selon les historiens, durant la traite des esclaves, les femmes aux teints plus claires et ayant des traits eurocentrés étaient favorisées. Autorisées à travailler dans la maison, et effectuant des tâches considérées moins compliquées, elles avaient un « traitement de faveur ». Comme pas mal de trauma, celui s’est transmis de génération en génération et devient la norme parmi les populations dites racisées. Car oui le colorisme existe à Bollywood, il existe en Afrique où les crèmes éclaircissantes se vendent à côté des pommes et il existe en Amérique du Sud où l’héritage des codes coloniaux est encore nié.

Que ce soit les chanteuses A-list, les danseuses ou même les video vixens, toutes ont un point commun avec leurs carnations très claires. Ce problème est toutefois discuté depuis longtemps par les activistes. Lorsque Alicia Keys raflait tous les trophées et disques de diamants, le public noir se demandait pourquoi India Arie n’arrivait pas à avoir ce succès alors que leur style se ressemblait. Le soir des Grammy Awards Alicia Keys a remporté 5 trophées sur 6, India a perdu ses 7 nominations … Pourquoi est ce que Trey Songz, Ginuwine ou Tank n’arrivaient pas à devenir mainstream (joué sur les radios pops) tandis que Chris Brown l’est toujours ? Nous pouvons également prendre l’exemple de Drake, plus respecté par le public lambda que Lil Wayne son mentor.

On pourrait croire que ce problème réside dans le traitement de la population majoritaire envers les noirs, toutefois le colorisme est un problème perpétué avant tout par les noirs. Nous allons diviser cet article en zone géographique, afin de montrer l’étendue de ce problème et faire un état des lieux. Et nous finirons sur une analyse des origines de ce dilemme et pourquoi il perdure encore.

USA

Quand tu te dis que l’université de l’Iowa a fait des études sur ce sujet, tu te dis qu’il y a du soucis à se faire… Les USA sont les leader du marché du showbiz, la plupart des tendances viennent de ce pays et l’Europe s’en imprègne. C’est pourquoi le colorisme aux États-Unis est celui dont on parle le plus. Plusieurs scandales musicaux sont en rapport avec ce dilemme. Un des plus populaires étant celui de Destiny’s Child. Probablement le groupe féminin noir le plus connu au monde, il est la représentation parfaite de cette hiérarchie des femmes noires.

Destiny's Child's "Say My Name" 20 Years Later | GRAMMY.com

Le père de Beyoncé, Matthew Knowles s’est exprimé sur le sujet dans son livre et sur SiriusXM Urban View.

«Dans l’industrie musicale, il y a toujours de la ségrégation. Les programmes, surtout dans la pop radio, ont une image de ce à quoi la beauté doit ressembler… Si vous regardez en arrière pour Whitney Houston. Si vous regardez ses photos et comment ils l’ont éclaircie pour la rendre plus pâle. Parce qu’il y a une perception et un « colorisme » : plus tu es pâle, plus tu es intelligente et tu as un avantage économique. Il y a une perception autour du monde de la couleur, même chez les Noirs eux-mêmes

Une bataille qui détruit des carrières ..

Il explique sans tabou qu’une des raisons qui favorise le succès de sa fille, est sa carnation plus light. Ensuite il prend exemple sur Kelly Rowland qui a tout pour être une grande popstar, toutefois son parcours musical est beaucoup plus compliqué. En effet Beyoncé a toujours été plus mise en avant, et les médias l’ont passé au 4ème rang. Certains des looks de Beyoncé la dissociait totalement du reste du groupe et son succès a été instantané. De plus, il réalise une étude sur les 15 dernières années et le résultat est effarant. Les rares chanteuses noires atteignant un succès équivalant aux chanteuses blanches, sont majoritairement métisses ou claires. Tout d’abord faisons la liste selon une classification du succès (A List, B List), en se basant sur les ventes et les récompenses.

A-List :

  • Alicia Keys
  • Beyoncé
  • Rihanna
  • Ciara
  • Nicki Minaj
  • Cardi B
  • Leona Lewis
  • Mary J Blige

Seul Ciara et MJB ont une carnation plus foncé que les autres.

B- List : 

  • SZA
  • Kelly Rowland
  • Christina Milian
  • Lizzo
  • Doja Cat 
  • Summer Walker
  • Ari Lennox
  • Kehlani
  • Keyshia Cole

En plus d’avoir plus de femmes noires B-List que A-List, la majorité ont une carnation beaucoup plus foncés.

Il est également intéressant de noter que les femmes sont systématiquement comparées entre elles. Rihanna à son arrivé était comparée à Beyoncé, Cardi B à Nicki Minaj, SZA à Beyoncé etc… Le public lambda limite la place pour ces chanteuses et se dirige plus facilement vers celles qui ressemblent le plus physiquement à la popstar type.

La chanteuse dancehall Spice avait tenu à participer à la conversation lorsque cette dernière a sorti le clip de Black Hypocrisy. Afin de promouvoir le single elle a mis sur Instagram une photo d’elle avec le teint très éclairci. Dans la chanson et ses interviews elle revient sur la difficulté pour elle de créer un public aux USA car on lui dit toujours que le public préfère des Beyoncé. E oui, on prime le look au talent …

Une histoire qui se répète

Destiny’s Child n’est pas le seul groupe qui a une histoire de colorisme, c’est aussi le cas de 3LW. Encore aujourd’hui l’histoire reste flou, mais les membres du groupe reconnaissent que l’exclusion de Naturi Naughton était basée sur des critères particulier. Le management du groupe clamait haut et fort que Naturi avait une image trop « urbaine » qui empêche le groupe de devenir mainstream. En plus de reconnaitre que l’aspect trop urbain (pour ne pas dire noir) empêche les médias de les soutenir pleinement, ils ont tenu ses propos envers la membre foncée du groupe. Car oui, elle n’était pas l’unique membre afro-américaine, la deuxième étant toutefois métisse. Ironiquement à cette même période Britney Spears, Christina Aguilera, Fergie et même Gwen Stefani surfaient elles aussi sur l’urbain mais cela n’empêchait pas les médias de les soutenir …

Une pandémie planétaire ?

Les États-Unis ne sont pas les seuls avoir ce problème, le Royaume-Uni en est la preuve. Comme tous les pays d’Europe, il est encore plus difficile de prouver ce sujet, étant donné le tabou des conversations sur les couleurs peaux. Nous allons toutefois recourir à la même méthode et citer les chanteuses noires ayant un succès impressionnant depuis 2005.

  • Leona Lewis
  • Alexandra Burke
  • Emili Sandé
  • Jorja Smith
  • Céleste
  • Ella Mai
  • Estelle
  • Steff London
  • Rihanna
  • Nicki Minaj
  • Cardi B
  • Beyoncé
  • Lizzo

En gras nous avons mis les rares chanteuses avec une carnation foncée. Le Royaume-Uni a une difficulté à lancer les chanteuses noires tout court. Rihanna est la seule à avoir gardé un succès qui s’est étendu sur le temps. Leona Lewis a vu ses ventes se diviser par 5 dès le second album, ceci est également le cas de Emili Sandé et Alexandra Burke. Jorja Smith et Ella Mai ont plus de succès à l’international que dans leur pays. Elles ont une difficulté à trouver un public et surtout un qui va durer sur le long terme. Estelle en a fait les frais et a toujours été très honnête sur ce sujet.

La France ne sauve pas l’Europe …

Il me paraît même ridicule de dresser la liste … Tu auras plus de place libres pour se garer dans Paris, que de chanteuses noires à succès. Shy’m, Shay et Aya Nakamura. Voici les seules chanteuses noires ayant réussi à avoir une grande carrière, des disques de platine et des nominations à des cérémonies.

Comme nous l’avions évoqué dans l’article de la cousine Aya, il s’agit de la première femme noire (et foncé) à avoir un succès de cette ampleur. Et cela se voit dans le traitement honteux qu’elle reçoit. Comparaisons à un homme, moquerie sur son physique, refus d’accepter sa personnalité dites « difficile », tout cela est le traitement que les femmes noires reçoivent depuis la nuit des temps. Il est toutefois important de noter qu’il a fallu attendre 2018 pour voir une chanteuse qui lui ressemble. Et pourtant un petit tour sur Youtube et on constate qu’elle n’est pas la seule. Le traitement des médias pour notre Aya (inter)nationale est consternant, toujours questionnée sur sa personnalité, on pourrait qu’elle est une candidate de télé-réalité. Nous pourrions surtout soulever le fait qu’elle a plus été présente dans des journaux à l’internationale qu’en France. Et oui …

Le problème ?

L’industrie musicale reste aussi le club des gentlemen, c’est pourquoi les producteurs travaillent plus facilement avec une femme claire, qu’importe son talent (*tousse* Cassie). Les chanteuses acclamées sont majoritairement claires. Les équipes de communication le disent également, il est plus facile de vendre une fille comme Rihanna plutôt que SZA.

Certains artistes noirs clament fièrement leur colorisme, comme Kodak Black qui a critiqué les femmes avec le teint foncé. Il expliquera dans le magazine Complex en 2017 :  » J’aime les femmes noires, mais je n’aime pas ma couleur« . Et oui, il s’agit d’un problème qui vient avant tout d’un ressenti personnel. Comment peut on apprécier une image de soi lorsque l’on est pas capable de s’apprécier personnellement. Voici pourquoi on parle de trauma et de projection. Ce genre de propos est devenu totalement banalisé est s’installe comme la norme. Une femme light skin part avec un avantage considérable dans une industrie dominée par des hommes.

D’autres exemples ? Chris Brown qui a eu un scandale car il n’autorisait pas les dark skins à sa table VIP. Lil Wayne et 50 Cent qui disent ne pas vouloir s’associer à des femmes dark skins mais des filles dites « exotiques », ironiquement elles ont tous les attributs d’une femme noires … sauf sa couleur. Ou encore le casting du film Straight Outta Compton, qui classifiait les figurantes de A à D. A étant les femmes plutôt claires aux cheveux naturelles (ou noire si elles remplissent la case « modèle »), D les femmes plus foncées qui portent des extensions et pauvres. Comment voulez vous que l’on évolue lorsque les erreurs se répètent inconsciemment ?

Comme dit plus haut, il s’agit d’un trauma historique qui s’est donné de générations en générations. Dans des pays d’Europe, il est plus présent car les conversations sur le racisme reste plus tabou. La mise en avant des femmes plus claires est un problème que l’on constate dans le rap. Les vidéos vixens sont majoritairement claires, regardons juste les clips en France. Binta de Alonzo où la Binta en question était d’origine latine ou Djomb de Bosh, on mettra en avant des femmes ethniques mais jamais celles qui ont une peau foncée. Rectifions, il est courant de ne voir aucune filles foncées dans ses clips, aucune. Le public s’habitue à ce qu’il voit, il est donc difficile de leur faire accepter quelque chose de nouveau, comme il est le cas de Aya Nakamura. Une femme noire qui met en avant sa forte personnalité, son physique et qui parle sans filtre. La recette qui marche pourtant pour les popstars depuis 1970 …

On souhaiterais avoir ton avis sur le sujet, penses tu que le colorisme reste un gros problème en 2020 ? Vois tu une amélioration ? N’hésites pas à commenter sur les réseaux sociaux !


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